Comment le Portugal a combattu la fraude fiscale
De passage pour un court séjour à Lisbonne, j’ai eu le plaisir de dîner en compagnie d’un couple de français installés depuis plusieurs années dans cette ville magnifique. Lors de nos échanges autour de l’histoire du Portugal, notre hôte nous a livré une anecdote originale, qui intéressera sûrement les adeptes de gamification.
A la suite de la crise économique de 2008, le Portugal a connu une sévère récession, tout comme la Grèce (souvenez-vous, on parlait alors des « PIGS » – Portugal, Irland, Greece, Spain). Les finances de l’état allaient mal, il fallait lutter contre la fraude fiscale, le marché noir, bref, faire rentre de l’argent dans les caisses de l’état. Le gouvernement portugais de l’époque prit alors des mesures draconiennes, de celles qui seraient susceptibles de faire descendre nos compatriotes dans la rue: 20% des fonctionnaires virent leur contrat arriver à terme, gel des salaires, voire baisse dans certaines professions. Cela permettait de stopper l’hémorragie, mais ne suffisait pas à endiguer la fraude.
Le gouvernement portugais prit alors une décision étonnante: tout achat, privé ou public, par un particulier ou une entreprise, devait être tracé, et pour cela, l’acheteur devait être capable de prouver qu’il détenait la facture associée. Des contrôles inopinés furent mis en place, avec à la clef, une amende significative si l’acheteur ne pouvait fournir la facture. De la sorte, les bonnes pratiques de facturation furent instaurées non pas en sanctionnant les vendeurs négligents, mais en sanctionnant également les acheteurs qui fermeraient les yeux sur des pratiques illégales.
Cette pression sur les acheteurs aurait pu faire monter le mécontentement. C’est alors que le gouvernement eut une idée de génie: instaurer une loterie basée sur les factures. Chaque acheteur peut participer à une loterie nationale, dont le billet de participation n’est autre … qu’une copie de la facture d’un de ses achats. C’est de la gamification à l’état pur.
Le système est toujours en place, semble-t-il, début 2016. Et l’idée ma semblé absolument géniale, dans la ligne directe des initiatives comme celles mentionnées dans le livre Nudge, qui relate ces petits coups de pouce qui permettent d’orienter les êtres humains dans leurs choix, selon une approche dite paternaliste libertaire. Et, qui sait, peut-être devrons-nous nous en inspirer, le jour où les taux remonteront et que le poids de la dette publique nous obligera à des pratiques économiques plus douloureuses…?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec