Ces guerres qui nous attendent (2030-2060)

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?

La prospective est une activité essentielle pour les sociétés modernes qui veulent identifier les tendances à venir et les risques qui se profilent à l’horizon. Abonné pendant plusieurs années à la Lettre des signaux faibles diffusée par Philippe Cahen, je me suis familiarisé avec ses messages orientés le plus souvent sur des sujets de société, ou sur des questions économiques, sans délaisser pour autant les signaux faibles liés aux conflits en cours.

C’est pourtant au hasard d’une discussion à bâtons rompus sur les conflits actuels avec quelques camarades de promo que j’ai découvert ce livre étrange, premier tome d’une série de trois ouvrages consacrés aux nouvelles formes de conflits et à la guerre du futur. Ces guerres qui nous attendent est en effet un livre de prospective, dans un domaine assez particulier : la défense nationale.

La prospective, en matière de défense nationale, requiert d’identifier non seulement de nouvelles possibilités de conflits, mais également de nouvelles armes, de nouveaux moyens de défense ou de nouveaux types d’ennemis. La difficulté, en la matière, consiste sans doute dans la capacité à s’extraire du « quotidien », c’est à dire de tout ce qu’on connaît ou tout ce à quoi on est déjà habitué, pour imaginer ce qui sort du domaine habituel. Sortir du cadre, c’est toujours difficile, n’est-ce pas ? Posez-vous la question d’imaginer un char d’assaut ou un avion de chasse quand vous vivez au milieu du XIXe siècle : pas si facile…

Pourtant, certains romanciers, auteurs de récits d’anticipation dont certains ont connu un succès durable, y sont parvenus, tels Jules Vernes ou H.G.Wells. Les voyages en sous-marin du capitaine Nemo, la machine à traverser le temps, les voyages vers la Lune ou l’invasion d’extra-terrestres, sont autant des récits de « science-fiction » que des exercices de prospective.

C’est apparemment la raison pour laquelle le ministère de la Défense a passé commande de nouveaux récits de fiction et d’anticipation auprès d’une équipe de chercheurs et d’écrivains de science-fiction, la « Red Team« , pour imaginer les conflits futurs, et préparer les moyens de défense nationaux à ce qui pourrait se produire, sortant du cadre de l’imaginaire des acteurs actuels de la Défense. Le résultat, ce sont donc ces trois livres, disponibles en format de poche, qui présentent de nouvelles idées de conflit.

Je viens de finir le premier tome, quatre récits qui tiennent sur un peu moins de deux cents pages en poche. Honnêtement, je n’ai rien trouvé de transcendant dans ces quatre histoires, ou plutôt quatre scénarios, présentées sur un format qui mélange coupures de presse, compte-rendus d’opérations ou interviews des protagonistes, dans une sorte de format dossier de presse. On n’y parle évidemment pas des conflits actuels ou de leur évolution : vous n’y trouverez ni référence au Hamas, ni aux événements en Ukraine, encore moins de Taiwan.

Le premier scénario m’a rappelé Globalia, le roman de Jean-Christophe Rufin, où le monde civilisé se sépare du reste de la planète, devenu un monde de non-droit. Le second évoque le détournement par des terroristes d’implants neuronaux à usage militaire. Le troisième évoque la disparition de toute forme de vérité, par le développement de réseaux sociaux manipulés par des forces ennemies. Le dernier présente ce que pourrait être le système d’armes ultime de demain.

Si ces textes ne sont pas dénués d’intérêt, j’ai refermé le livre en me posant pourtant une question simple : en quoi ces récits sont-ils des récits d’anticipation sortant du cadre ? L’émergence de zones de non-droits unifiées au-delà des frontières par des intérêts communs, la manipulation des réseaux sociaux, le hacking de dispositifs à usage militaire, tout cela n’est pas si difficile à imaginer. Peut-être nos auteurs ont-ils eu du mal à sortir du cadre de la culture dans laquelle ils baignent, n’imaginant rien de plus transcendant que ce qu’on peut v

À moins qu’il ne s’agisse que des récits les plus anodins, issus des travaux de la Red Team, et que les scénarios les plus inventifs, ceux qui pourraient réellement représenter une menace essentielle, soient restés dans un circuit à diffusion limitée. Histoire de ne pas donner de mauvaises idées à des individus mal intentionnés.

Bref, je reste sur ma faim. En attendant de finir de lire les deux autres volumes.

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?