Le burkini rend-il fou?
L’été, les esprits s’chauffent, et les débats les plus stériles fleurissent ça et là. Et dans la catégorie des débats stériles, celui sur le burkini me semble atteindre des sommets. Récapitulons. Une styliste libanaise, Ahiida Zanetti, a une idée de génie il y a une dizaine d’années. Elle met au point un costume de bain qui, selon elle, permet aux femmes musulmanes respectueuses d’une forme plus fondamentaliste de l’islam de profiter des bains de mer. Elle dépose le nom – ou plutôt les noms « burkini » et « burqini » (un peu le même problème de translitération que pout Irak et Iraq) – ouvre un site de vente en ligne, et réalise de belles affaires un peu partout dans le monde. Mieux, son succès fait des jaloux, et des sites rivaux comme celui-ci proposent des modèles de burkini différents et très élégants. On en trouve même sur eBay. bref, un véritable phénomène de société entre en action…
Qui a dit qu’on ne pouvait pas être élégante en burkini?
Et là, patatras, la politique française s’en mêle. Sur fond de menace terroriste, plusieurs villes prennent des mesures pour interdire le port du burqini sur les plages, sous prétexte de l’interdiction de vêtements religieux sur les plages.
Très honnêtement, je ne savais pas que le port de vêtement religieux était prohibé en France. Il va donc falloir interdire aux milliers de juifs orthodoxes de se trimbaler avec leurs longues redingotes noires (probablement aussi chaudes et mal adaptées à l’été que les burkinis citées ci-dessus), ainsi qu’aux curés de nos paroisses de porter leurs longues bures. Sans parler des bonnes soeurs, ou des moines boudhistes que l’on croise de temps à autre.
Deuxièmement, qu’est ce qu’on en a à foutre que quelqu’un se balade en portant des vêtements religieux sur une plage? Cela s’apparente tout au plus à une immense tartufferie, car croiser deux dames en burqini à proximité de femmes bronzant les seins à l’air est tout aussi grotesque que de croiser un rabbin à l’entrée d’un bordel.
En réalité, le débat sur le burqini montre simplement que la France a perdu une de ses vertus essentielles: la tolérance. La France de 2016 est devenue intolérante. En allant chercher noise à une centaine de porteuse de burqinis, on apporte de mauvaises réponses à de vrais questions. Les bonnes réponses sont probablement à aller chercher du côté des pays qui ont réussi l’intégration de larges communautés, religieuses ou non. Petit indice: un cinquième de la population israélienne est musulmane, et se balader voilée ou en burqini, là-bas, ne pose pas de tels problèmes. A méditer…
PS: le terme burkini (ou burqini) lui-même pose problème. Il dérive de bikini, sur le même modèle que monokini. Comme si le « bi » de bikini servait à indiquer que ce maillot est composé de deux pièces, alors que le terme bikini provient du nom de l’atoll où les Etats-Unis effectuaient leurs essais nucléaires, l’inventeur du-dit maillot estimant que son invention allait transformer celles qui le porteraient en véritables bombes…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec