Bons baisers de Kaboul
Je me suis souvent demandé pour quelles raisons un pays à peine plus grand que la France, extrêmement montagneux (avec des sommets à plus de 7000 mètres !) et dont la population est essentiellement agricole (plus de 80% de la population selon wikipedia) pouvait attiser les convoitises des plus grands empires du monde ? Pourquoi l’empire britannique par 3 fois (au 19ème et 20ème siècle), puis l’URSS (pendant 10 ans) avant les Etats-Unis (qui y ont menée leur plus long conflit, 20 ans durant) ont-ils chacun, tenté de dominer ces terres réputées mais ô combien dangereuses ?
La réponse tient en un mot : passage. L’Afghanistan est un couloir terrestre entre l’Asie et l’Europe. Ce n’est pourtant pas le seul point de passage entre les deux continents ! Et d’autres voies existent, aériennes ou maritimes.
Mais comme tout point de passage, il excite les voyageurs aventureux, ceux qui veulent aller plus loin que le l’individu lambda. Du trafic de l’opium à celui de terroriste international, l’Afghanistan a hébergé ces dernières années, toutes sortes d’aventuriers. Et en attirera probablement encore d’autres : il se dit que la Chine serait prête à jouer un rôle important, et que les manoeuvres de séduction à l’intention du nouveau régime – enfin, du nouvel ancien régime, les Talibans ne sont pas nés d’hier – ont déjà débuté.
À leur place, j’y réfléchirais à deux fois. À chaque fois qu’une grande puissance a tenté sa chance là-bas, elle en est ressortie moins bien lotie, et la fin de la présence sur place coïncide étrangement avec une perte d’influence globale.
En attendant, laissons les médias gloser sur la désastreuse sortie de l’armée américaine. Je doute que cela aurait pu se passer d’une autre manière, les fins d’occupation, quelque soit le pays occupant, ont toujours été vécue comme des drames, et les images qui en sont diffuses ont toujours été terrible. Que ce soit la fin de la présence française en Algérie, ou le retrait d’Israel du sud Liban, c’est toujours la même chose : les « coopérants locaux » en paient les frais.
Enfin, j’ai entendu hier un « informé de France-Info expliquer doctement que le départ de l’armée américaine de Kaboul démontrait clairement que la démocratie ne s’exporte pas. C’est juste, mais on pourrait aussi expliquer se dire que le retrait russe en 1989 était une illustration de la difficulté d’exporter le communisme. En réalité, le départ américain illustre plutôt le fait qu’à de rarissimes exceptions près, quelque soit la nation à laquelle on s’intéresse, l’indépendance passe par une confrontation armée, souvent longue, et dont le pays occupant ne sort jamais glorifié, et le montant de l’ardoise est en général assez salé. On parle de 2000 milliards de dollars. Mon sentiment, c’est que le besoin de financement de cette guerre fait également indirectement partie des déclencheurs de la crise de 2008 – sans en être la cause principale, dont on a suffisamment expliqué les ressorts.
À bon entendeur…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec