Bipeur sur la ville
Le conflit qui oppose Israel à certains de ses voisins qui veulent sa disparition n’a eu de cesse de nous étonner, tant par sa durée que par la forme qu’ont pu prendre les différentes occasions d’en découdre. Si les attaques du 7 octobre ont surpris le monde entier par leur ampleur et par l’usage d’une forme de low-tech, Israel de son côté a presque toujours joué la carte de la supériorité technologique.
Cette supériorité technologique ne suffit cependant pas à elle-même. Pour qu’elle soit efficace, elle doit pouvoir s’appuyer sur un renseignement efficace. Éliminer les forces aériennes égyptiennes et syriennes en quelques heures comme en 1967, introduire un virus dans les centrifugeuses des centrales nucléaires iraniennes comme il y a quelques années, c’est certainement une preuve de supériorité technologique, mais cela ne peut avoir lieu que grâce à des informations d’excellentes qualités, puisées à la source, et exploitées de manière à en tirer le meilleur parti.
L’explosion simultanée de centaines de bipeurs aujourd’hui au Liban, frappant simultanément de nombreux cadres et sympathisants du Hezbollah en est une nouvelle illustration. Certes, rien ne prouve qu’Israel en est responsable, et ne comptez pas sur les dirigeants israéliens pour revendiquer haut et fort cet exploit. Mais on voit mal quel autre ennemi du Hezbollah aurait pu à la fois projeter et mener à bien une telle opération.
C’est pour échapper à des tentatives d’élimination ciblée que le Hezbollah s’est équipé de ces bipeurs, ces appareils dont la technologie remonte aux années 80. Ancêtres du SMS, fonctionnant en modulation de fréquence sur des fréquences basses avant de couvrir une plus grande zone géographique, dénués de systèmes de géolocalisation, ils faisaient le bonheur des commerciaux itinérants à l’époque où l’URSS existait encore, et le Hezbollah y a vu un outil de travail à la mesure de ses propres enjeux sécuritaires…
Un petit malin a su en profiter, apparemment. Encore fallait-il placer une grande quantité de bipeurs piégés auprès de cette organisation paramilitaire et terroriste, qui tient le Liban sous sa coupe depuis plusieurs années. Intercepter l’intention de se doter de ces appareils, conclure le marché après les avoir piégés sans que cela puisse se voir – je n’ose imaginer que le Hezbollah ne jette pas un petit coup d’oeil sur ses propres équipements de temps en temps….
Il y a quelque chose qui relève non plus de l’exploit technologique, mais du film d’action à la James Bond, avec un Q incroyable à la manoeuvre. Après le stylo revolver, la bouteille de parfum empoisonnée, le bipeur explosif. Rien de tel pour mettre un peu d’ambiance dans les salles obscures !
Le bipeur était passé de mode il y a déjà près de trente ans. Gageons qu’il n’est pas prêt de connaître un nouveau succès avant longtemps.
Et que pour communiquer, il ne restera bientôt plus au Hezbollah que les pigeons voyageurs…
PS : il paraît qu’Apple a annoncé un nouveau modèle d’iPhone la semaine passée, avec une sécurité renforcée. Peut-être une option à envisager du côté de Téhéran, au cas où le prix des pigeons voyageurs serait annoncé à la hausse ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec