Bienvenu dans le monde du LHC : Lehman Has Crashed
Je me suis souvent demandé pourquoi les X de ma génération étaient plus souvent attirés par la banque et la finance, que par la recherche et l’innovation, notamment dans le secteur des nouvelles technologies et du Web. La réponse vient de m’apparaître, clairement. Loin de s’éloigner de la recherche fondamentale et de la physique, mes jeunes camarades cherchaient tout simplement à participer à la plus grande expérience de physique nucléaire jamais menée: recréer, à l’échelle internationale, le plus grand collisionneur de particules financières ayant jamais existé, le LHC (Lehman Has Crashed).
Le LHC, croyiez-vous, c’est cet immense accélérateur de particule situé entre Jura et Suisse, qui a couté quelques milliards de francs suisses, et dans lequel les physiciens de toute la planète espère recréer les conditions de la "soupe initiale", le grand maelström de matière produit dans les premières secondes qui ont suivi la naissance de notre univers. Et bien détrompez-vous, les financiers de la planète ont créé leur propre LHC. Et nul besoin d’écouter les déclarations d’Alan Greenspan, ancien patron de la FED, pour s’en convaincre (dieu que cet homme peut foutre la trouille!): la pire crise jamais vue (comprendre: le plus gros LHC jamais créé), ce n’est pas fini (comprendre: on a appuyé sur le bouton, le spectacle va durer plus longtemps que prévu).
Car en mêlant de manière inextricable des produits à haut risque (subprimes) avec des produits généralement plus pépères, nos apprentis sorciers de la finance ont réalisé à peu de choses près ce que leurs collègues physiciens tentent de faire au sein de cet immmense corridor de 27 km de long. Mélanger des protons et des neutrons, les inonder de neutrinos, identifier le boson de Higgs? Peanuts pour nos chercheurs de Wall Street et de la City! Eux vous mélangent actifs de crédits risqués et des actifs moins risqués au sein d’un CDO ou d’un CDS en un rien de temps. Vous croyiez tenir une poignée d’actifs peinards, et hop, comme par magie ceux-ci se volatilisent! Vous déteniez une poignée de dollars? Ils changentde poche par le biais d’un effet tunnel des plus torrides!
Bon, il faut dire que, comme pour le LHC de Genève, notre LHC financier a demandé des moyens colaussaux. Il en a fallu payer, des primes, à ces nantis de Wall Street, de la City ou de La Défense, pour créer le contexte dans lequel une telle expérimentation a pu s’opérer. On a même eu droit au facteur (mal)chance, celui qui fait si souvent défaut au physiciens: en l’occurence, l’explosion de la bulle internet, l’envolée des prix de l’immobilier, combinées toutes deux avec un conflit irakien qui coute chaque jour plusieurs dizaines de millions de dollars à l’économie américaine. Alors on peut comprendre que mes jeunes camarades, plutôt que de tenter l’aventure au sein d’une structure de recherche type CNRS, où les projets avancent plutôt lentement, aient préféré rejoindre les structures plus dynamiques de banques américaines, françaises ou allemandes, pour participer à ce merveilleux projet d’accélérateur financier.
Les conditions initiales, celles de la création du monde de la finance, sont certainement en passe de se réaliser: après la faillite de Lehman Brothers, après le sauvetage in extremis de la Bear Sterns (Bear, comme dans Grande Ourse, vous voyez bien qu’on nage en pleine astrophysique…), après celui de Freddie Mac et de Fanny Mae, il faut s’attendre à de grands émerveillements, comme seules l’astrophysique et la physique nucléaire savent les faire: la faillite d’AIG ou d’Axa (qui détient 7% de Lehman…), puis celle d’un ou deux fonds de pension américain, comme prélude à la grande récession qui touchera l’Europe et les Etats-Unis de 2009 à 2012. Entre temps, les économies chinoises, indiennes, et dans une moindre mesure celles des fonds souveraines, continueront de croître calmement. L’Europe et les Etats-Unis deviendront alors la Grèce et la Rome antiques de notre génération: d’excellentes destinations touristiques aux économies à jamais corrompues. La grand recommencement aura alors opéré, le LHC aura servie une fois pour toutes…
PS: Aux dernières nouvelles, il paraît même qu’on a retrouvé la "matière noire" dans le LHC de la finance: le pétrole, qui s’était envolé à plus de 140$ le baril, serait descendu à 90$. Bizarre, mon pompiste ne m’en a pas touché mot ce matin… Il ne doit rien comprendre à la physique, lui.
PS2: sur le "vrai" LHC, lire l’excellente FAQ LHC de mon ami Philippe.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Un CAC qui realise une hausse de 7% à mi-journée, cela ne s’était pas vu depuis un moment.Bien sur, la bourse est tirée par la croissance des valeurs du secteur banque/finance, suite a l’annonce du rachat des "dettes pourries" la veille, par le