Bernard Tapie
Bernard Tapie fut sans nul doute une des personnalités les plus marquantes des quarante dernières années. Son nom attisait la haine des uns, comme il suscitait l’admiration des autres. Self made man, selon la légende, il avait touché à une multitude de domaines, parfois avec talent, parfois avec plus de difficultés. De la chanson au football en passant par le théâtre ou le cinéma, de la politique à la reprise d’entreprises, Bernard Tapie n’avait certes pas froid aux yeux, et surprenait par sa capacité à rebondir. Un maître mot résume sa carrière : résilience. Quand on le croyait fini, il était capable de rebondir et de revenir au premier plan, comme par enchantement.
Je n’ai jamais été un fan du bonhomme. Il était plus, pour moi, le prototype du bluffeur opportuniste – talentueux, probablement, mais opportuniste quand même – qui a plus souvent repris des entreprises qu’il n’en a créé. Il faut certes du talent pour remettre une société plus ou moins debout, et la revendre avec bénéfice. Cette capacité à redresser d’anciennes étoiles, c’est d’ailleurs auprès d’un polytechnicien qu’il l’a acquise, selon cet article du Monde, un certain Marcel Loichot. Mais j’ai toujours eu un penchant pour une autre catégorie d’individus, ceux qui innovent, inventent, changent les choses. Tapie, lui, était plutôt du genre à changer les règles.
C’était là son vrai talent, sa capacité à identifier les failles d’un système, et de le retourner à son avantage, parfois en jouant borderline, très borderline. Un exemple éloquent : le football. Tapie était à la fois l’homme capable de mener l’OM au titre de champion d’Europe, et de tomber dans une affaire aussi sordide que l’achat de joueurs dans un match contre Valenciennes, quelques jours avant la-dite finale.
C’était ça, Tapie. Pour parvenir à ses fins, il était près à tout faire pour influer sur les règles, armé de son bagout, de ses anciens succès, de son entregent, de sa capacité à prendre la parole dans les médias, parfois à son détriment. Était-ce par esprit de revanche sur les différentes élites auxquelles il prétendait ne pas appartenir, lui, issu d’un milieu modeste, et qui était parvenu au firmament, accédant même à un portefeuille ministériel ?
Homme de conflits tout autant que de communication, Bernard Tapie fut, enfin, le seul homme politique capable de s’opposer de front au leader du Front National, dans un de ces débats qui faisaient les délices de la télévision du siècle dernier, à l’heure où les réseaux sociaux et les talk-shows n’avaient pas encore pris le dessus.
De toute évidence, cependant, les français gardent un souvenir positif de ce personnage. C’est peut-être le signe d’une évolution des mentalités dans notre pays, où les élites sont beaucoup moins reconnues et appréciées, et où la communication et le marketing sont devenues des valeurs absolues…
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec