Bâton de Bergé
Justin Bridou est de retour, en la personne de Pierre Bergé, qui s’en est pris au Téléthon ce week-end. Il n’est pas le seule, Line Renaud s’est également exprimée sur le sujet. Sans critiquer directement l’AFM, ces deux personnes ont publiquement estimé que l’argent collecté par l’association de lutte contre les myopathies était disproportionné en regard du nombre de malades concernés par les millions collectés lors du Téléthon, qui aura lieu dans une dizaine de jours.
Cet argument purement « comptable » me semble douteux, pour deux raisons au moins:
- L’argent collecté lors du Téléthon, depuis plusieurs années, sert à financer la recherche médical dans un secteur en pleine expansion depuis lors. Les travaux menés par les généticiens ne concernent pas que les myopathies: la recherche est rarement mono-directionnelle. Penser que les millions collectés le sont à sens unique relève de la démagogie pure et simple.
- En s’en prenant publiquement au plus gros événement de collecte national, Pierre Bergé et Line Renaud ont semble-t-il mal apprécié les répercussions de leurs propos: on peut à juste titre parler de retour de bâton. De fait, il me semble qu’à dix jours de la collecte, ils ont réussi à faire monter le buzz à un niveau appréciable sur Internet (et ailleurs aussi), ce qui ne déplaira pas, in fine, à l’équipe en charge de la communication online de l’AFM, dont j’ai pu interviewer hier la responsable, Samia Ghozlane, dans le cadre de mon émission sur les blogs et les médias sociaux, et qui sera diffusée lundi prochain sur DecideursTV.
En matière de charité et de bonnes actions, la compétition financière, les propos négatifs ou la médisance injustifiée ne sont pas une bonne stratégie de communication. Ils desservent souvent les intérêts visés. Il aurait mieux valu citer en exemple l’excellente gestion médiatique réalisée par l’AFM (mais par d’autres associations charitables aussi, en leur temps), et en tirer parti pour des actions similaires. Il me semble que ce que fait Solidays depuis une dizaine d’années, par exemple, relève de cet état d’esprit.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Pour avoir passé l’an dernier un diplôme américain sur l’art d’investir l’argent des autres, j’y ai appris que les caractéristiques des organismes caritatifs sont les suivantes :
Ils ont des revenu forts instables liés aux modes, à l’apparition ou à la disparition de gros donateurs, et des engagements durables et stables : faire vivre des institutions (musées, universités, hopitaux) ou des programmes de recherches.
Pis encore : les horizons d’investissements de ces organismes sont parmi les plus longs. Il est donc même recommandé que leurs investissements soient parmi les plus risqués (donc supposés plus rentables sur la longue période).
De vénérables universités américaines sont financées par des organismes caritatifs respectant ces préceptes. Je ne sache pas qu’elles aient à rougir de nos universités de service public.
Donc ce que dit Mr Bergé au sujet du téléthon revient à dire que l’AFM respecte les recommandations de gestion des professionnels de l’investissement du CFA Institute.
Après il faut adapter à notre culture. En France, l’argent est sale. On est obligé d’en demander, mais il est bien vu de s’en débarrasser au plus vite. Et le jour où le coup de bluff d’un Mr Bergé fonctionnera et où les Français iront brutalement vers d’autres causes, les programmes de recherches s’interrompront brutalement…
L’inculture économique de nos compatriotes fait que le coup de bluff de Mr Bergé peut hélas fonctionner.