Balle tragique à Butler

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Si vous vous imaginiez que mener une campagne électorale était un job de tout repos, détrompez-vous. C’est une activité harassante, qui requiert de tenir des meetings à n’en pas finir, en répétant peu ou prou la même chose, en enchaînant parfois quatre ou cinq meetings dans la même journée et sur des lieux différents (grâce aux jets privés, bien entendu), dans des coins paumés, devant des foules éparses, dans des coins paumés où ne résident qu’une poignée d’habitants.

Et parfois, au péril de votre vie.

C’est ce que vient d’illustrer la mésaventure de Donald Trump. L’ancien président si controversé, donné favori face à un Joe Biden sur le déclin – au sens propre comme au figuré – vient en effet d’échapper à un attentat durant un de ses meetings électoraux à Butler, ville paisible de moins de 15000 habitants – autrement dit dans un patelin à l’échelle des États-Unis. Il faut dire que le gamin qui a tenté de mettre à fin à ses jours n’était pas un pro de la gâchette. Il n’a qu’effleuré l’oreille droite de l’ancien président, mais a quand même tué un ancien pompier et blessé deux participants. Pour un tir tendu couché à 130 mètres, on a déjà vu des résultats plus précis.

Donald Trump échappe donc de peu à un assassinat, et paradoxalement, c’est tant mieux pour la démocratie. Car si le tir de Thomas Crooks avait fait mouche, je n’ose imaginer l’impact sur les supporters de Trump, nombreux dans le milieu des amateurs d’armes à feu et des complotistes en tout genre. La guerre civile qui oppose partenaires et adversaires du candidat républicain à coups des joutes verbales sur Twitter et autres réseaux aurait bien pu basculer dans une forme beaucoup plus pénible.

Ceci étant, cet attentat avorté soulève quelques questions, et la première est issue des témoignages qu’on peut trouver sur ces mêmes réseaux sociaux. De courtes séquences vidéo montrent en effet qu’une partie du public avait déjà repéré le tireur vêtu de blanc, posé sur la terrasse d’un entrepôt, et tout à fait visible. Comment ce peut-il que le service de sécurité ait laissé un tel « trou dans la raquette » ? Se sentait-il en sécurité dans ce patelin paisible ? A-t-il fait preuve d’une trop grande confiance dans sa capacité à superviser un événement ? L’enquête qui suivra le dira peut-être.

L’autre question qu’on peut se poser, c’est celle du remplacement d’un des deux candidats en cas de gros pépins. Tous deux sont relativement âgés, et sil ‘on fait grand cas des trous de mémoire et des absences de Biden depuis quelques jours, en se demandant qui pourrait alors reprendre le flambeau, il faut aussi se demander qui pourrait remplacer Trump au pied levé, en cas de défaillance du candidat républicain, pour des causes naturelles ou indépendantes de sa volonté.

Il est étonnant de constater, élection après élection, la fragilité d’un système démocratique. C’est à croire qu’à force de fonctionner sans problème, on a oublié à quel point un grain de sable pourrait tout faire basculer. S’il s’agissait d’élections au Mozambique ou au Costa-Rica, passe encore. Mais il s’agit là de la première puissance économique et militaire, de la plus grande démocratie au monde, et du dernier soutien de quelques régimes qui, sans l’aide du grand-frère américain, pourraient faire face à de sérieux soucis. L’assassinat de JFK au début des années 60 avait plongé le monde dans l’effroi, mais n’avait pas ébranlé outre-mesure la stabilité du pays. En serait-il de même aujourd’hui ?

Bref, la petite balle qui a transpercé l’oreille de Donald Trump résonne comme un peu comme un ultime signal d’alarme avant le déraillement du train.

Sera-t-il entendu ?

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