Le bal des mutants
Si vous pensiez avoir atteint le summum de la crise sanitaire en 2020, détrompez-vous : il se pourrait bien que ce début d’année 2021 marque le début d’une nouvelle ère, celle des virus mutants. Des mutations de virus, il en existe chaque année, à commencer par celui de la grippe hivernale. Mais d’habitude, on en entend peu parler. Avec les mutations du SARS-CoV2, en revanche, les choses se compliquent.
La fin justifie les moyens
Le coronavirus à l’origine de l’épidémie de Covid-19 a connu de nombreuses mutations. C’est la vie normale d’un virus : quand on fait tout pour s’en débarrasser, il se transforme pour revenir de plus belle, un peu comme cet anti)héros du film Le Bon, la Brute et le Truand pour lequel le monde se divise en deux : ceux qui rentrent par la porte et ceux qui rentrent par la fenêtre. Le mutant, lui, il rentre forcément par la fenêtre, puisqu’on lui obstrue l’entrée principale, vis la protéine Spike.
Venus – comme par hasard- de pays étrangers, les mutants les plus inquiétants ont pour origine le Royaume-Uni (VOC-202012/01), l’Afrique du Sud (501-V2) et plus récemment le Brésil. Et comble du désespoir, toujours pas de mutant français ! À croire que nous sommes aussi nuls en matière de stratégie vaccinale que de production de mutants. Au passage, inutile de chercher un point commun entre ces trois pays sources. Par définition, le mutant de toute façon, fait fi de toute considération géopolitique ou de stratégie médicale. Le Brésil, par exemple, a cherché à obtenir l’immunité collective via la libre circulation du virus quand le Royaume-Uni a confiné, certes un peu plus tard que nous. L’un est dans l’hémisphère nord, l’autre dans le sud. Le seul point commun entre ces deux pays, finalement, c’est un fort engouement pour le football, sans aucun rapport plausible avec notre sujet.
Murphy’s law
Le hic avec ces mutants, c’est qu’on a l’impression qu’ils sont là pour illustrer les fameuses loi de Murphy : quand tout semble aller mal, il faut se préparer à ce que cela aille encore plus mal. Un mutant inoffensif, passe encore. Mais un mutant qui résiste aux vaccins qu’on a eu tant de mal à mettre au point en un temps record, là, c’est le comble ! J’en vois déjà qui vont se retourner contre les laboratoires, objet de certaines de nos diatribes actuelles, pour leur reprocher d’être allés trop vite en besogne, et d’avoir mis au point leurs vaccins fort onéreux, sans avoir attendu l’apparition des mutants, pour s’en mettre plein les proches de nouveau lors de la mise au point du vaccin contre le mutant (ça va, vous suivez?).
Le véritable enseignement de cette histoire de mutants, c’est que l’espèce humaine, qui se croit si intelligente, n’est finalement pas la plus adaptée pour survivre à le long terme sur la planète Terre dans son ensemble. Voyez comme ce minuscule virus à couronne, de quelques dizaines de nanomètres, a réussi à scléroser les différentes formes de sociétés humaines, et à s’adapter en quelques mois à leur riposte. Alors que l’espèce humaine, elle, ne peut et ne sait pas muter dans des délais aussi faibles, à moins de laisser périr toutes les formes qui n’auraient pas muté.
Tous des mutants !
Et après tout, la sclérose de l’économie mondiale ne constitue-t-elle pas une forme de mutation en soi ? Adieu tourisme, culture, loisirs, économies de l’ancien monde. Ne résisteront, au final, que les modèles économiques susceptibles de rester insensibles au virus et à ses mutations. Les autres, quant à elle, disparaîtront peu à peu. Tout comme les formes du virus qui n’auront pas muté vont, elles aussi, s’éteindre, pour ne laisser place qu’à des mutants.
Au fond, ne serions-nous pas, nous-mêmes, le résultat de mutations dont nous n’avons pas conscience ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec