Aukus, faux-culs !
Ah, il avait de la gueule ce contrat du siècle pour Naval Group ! Le contrat de partenariat stratégique, portant livraison de 12 sous-marins à l’Australie, signé en 2018, devait permettre à ce lointain pays alliée de disposer de 12 engins submersibles de dernière génération (c’est ce qui est écrit sur le site…) garantissant ainsi une supériorité régionale, de permettre un transfert de nouvelles technologies et de capacités de production avancées, la création de milliers d’emplois directs et indirects, et un plan de charge garanti pour les entreprises australiennes souhaitant s’impliquer dans le programme de maintenance.
Las, patatras, qu’avons-nous appris ces derniers jours ? Alors que le contrat était signé de puis trois ans et que l’encre avait eu le temps de sécher, les Australiens ont décidé de tout foutre en l’air, de dénoncer le contrat et, pire, de s’engager dans un nouveau programme de sous-marins, cette fois aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni. De quoi foutre en l’air quelques décennies de loyales et cordiales relations avec nos anciens futurs clients, et leurs alliés.
Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? Pas grand chose à vrai dire. Le contrat portait vraiment sur une technologie de dernière génération, les sous-marins de classe Attack, dotés d’une signature acoustique inférieure à celle des sous-marins à propulsion nucléaire (revoir le Chant du loup si besoin d’explications). Mieux, le projet était un vrai projet de coopération internationale, avec collaboration avec des équipementiers américains – Lockheed-Martin – pour le système d’arme et de navigation.
Mais alors que s’est-il passé ?
Rien du tout en fait. Ah si, juste une chose : la Chine s’est réveillée. Non seulement d’un point de vue économique, mais aussi militaire. À force de manoeuvres militaires, de discours arrogants, de pressions, la présence du géant asiatique est ressentie de plus en plus comme une menace par ses voisins les plus proches, comme l’Australie, et son voisin éloigné, à l’autre bout du Pacifique, les Etats-Unis. Un contrat, aussi stratégique qu’il soit, ne pèse pas lourd, dans pareil cas.
Ce que représente l’accord Aukus – quel nom ! vraiment bien choisi pour l’occasion – c’est avant tout un signal fort vis a vis de la Chine. La remise en cause de l »accord avec Naval Group n’est qu’un dommage collatéral, aux répercussions probablement significatives à l’échelle de notre pays, en termes d’emplois notamment, mais insignifiante au regard des 2000 milliards de dollars engloutis par les Etats-Unis en 20 ans en Afghanistan et en Irak. Et peu importe le signal envoyé aux anti-nucléaires de tout bord de la régionAukus.
En un demi-siècle, les Etats-Unis ont complètement changé de point de vue stratégique. La guerre froide a pris fin en 1989, pour donner lieu à une guerre chaude de trente ans avec quelques états voyous moyen-orientaux, et déboucher sur le désengagement des derniers jours à Kaboul. L’accord Aukus vient peut-être de marquer l’entrée dans un nouveau temps fort, une nouvelle guerre froide avec un adversaire autrement plus solide que l’URSS.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec