Au secours, le Brexit arrive !
On n’y croyait pas trop, il y a presque trois ans, lorsqu’à l’issue d’un référendum abracadabrant, les électeurs anglais ont voté en faveur du Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais l’échéance est désormais si proche, qu’on voit mal comment cela ne pourrait se produire: le vendredi 29 mars au soir, soit la veille du passage à l’heure d’été, le Royaume-Uni sera sorti de l’Union.
Le Brexit aura lieu 24 heures avant le passage à l’heure d’été. Comme quoi les emmerdes viennent en escadrille.
Vu de ce côté-ci de la Manche, on en souriait. Pauvres anglais, assez stupides pour laisser la masse inculte voter en faveur d’un avenir incertain! Avec leur esprit insulaire, ils l’ont bien mérité! Ça leur apprendra à jouer avec la démocratie: nous autres, français, quand la majorité de nos compatriotes dit « Non » par voie référendaire, comme en mai 2005, et bien nous savons comment nous en dépatouiller: il y a toujours quelques technocrates capables de retourner la situation et reprendre, de manière plus raisonnée, le chemin de l’Europe. Mais chez les habitants de la perfide Albion, on a le goût du risque, et on est prêts à en découdre coûte que coûte. Les exemples de gros merdiers laissés par certains dirigeants britanniques lorsqu’ils ont une idée en tête devrait pourtant nous mettre la puce à l’oreille.
Le problème, c’est que cela risque de coûter plus cher à l’Europe dans sa globalité qu’à l’Angleterre. Imaginez un peu que ce 29 mars au soir, le Brexit se déroule sans qu’aucun accord n’ait été conclu, ce qu’on appelle le « hard Brexit ». Rien, le néant juridique. Des accords de douane? il n’y en a plus. Des échanges commerciaux? difficiles à poursuivre sans droits de douanes. Vous voyez un peu le topo? Des pans entiers de l’économie, et pas que de l’économie insulaire, vont rapidement partir en lambeaux: songez seulement aux entreprises françaises, allemandes ou néerlandaises qui s’approvisionnent de l’autre côté de la Manche: du jour au lendemain, c’est la panne sèche. Pensez maintenant aux clients de ces entreprises, qui ne pourront plus travailler avec elles. Vous voyez un peu plus précisément l’étendue du jeu de dominos?…
Et c’est pareil dans plein d’autres domaines. Ne serait-ce que sur le plan politique. Que deviennent les élus britanniques au Parlement européen, au nombre de 72, soit presque 10% de l’assemblée? Auront-ils le droit de siéger? Et si non, les lois votées par cette chambre, alors que ces élus sont encore en poste, deviennent-elles caduques? Quid des élections qui se dérouleront quelques semaines plus tard? Doivent-elles – peuvent-elles – être maintenues au Royaume-Uni?
Imaginez trois clubs britanniques en demi-finales de Champion’s league, après le Brexit?
Vous pensez que cela ne vous concerne pas? Erreur. L’Europe est présente un peu partout, dans notre quotidien. La récente décision de bloquer la fusion Alstom-Siemens en est un exemple flagrant. Tout comme l’arrêt Bosman, qui permet à des clubs européens de constituer des équipes de football locales, tout en comportant un nombre parfois très limité de ressortissants locaux. Tout, dans notre manière de nous habiller, de nous nourrir ou de faire usage de l’Internet, s’appuie désormais sur des décisions prises à Bruxelles. Est-ce un bien, est-ce un mal? Vu le niveau de vie qui se maintient avec une certaine stabilité depuis quelques décennies, et qui progresse même dans les ex-pays de l’Est, j’aurais plutôt tendance à penser que c’est un bien.
Bien empêtrés dans leurs problèmes locaux, des gilets jaunes en France à l’indépendance Catalane en Espagne, de la succession de Mme Merkel aux problèmes récurrents en Italie, les dirigeants européens semblent ne pas avoir pris la mesure de la catastrophe économique qui se prépare. Pire que le passage à l’euro ou le bug de l’an 2000, le casse-tête du Brexit mérite que des décisions rapides et percutantes soient prises, de part et d’autre de la Manche.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
C’est le phénomène Titanic. On voit l’iceberg, mais on ne parvient pas à changer de cap. Ce qui semble dire qu’en termes de manoeuvres percutantes, on manque de compétences.
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