Anticiper les jeux … et les emmerdes
Les Jeux olympiques d’été 2024 se dérouleront à Paris entre la dernière semaine de juillet et la première semaine du mois d’août. Ils seront suivis, quelques semaines plus tard, des Jeux paralympiques, début septembre. Pendant quelques semaines, Paris va donc vivre au rythme des multiples compétitions sportives qui vont s’encchaîner, avec leurs conséquences heureuses ou hasardeuses…
La fête du sport…
Vu de loin, les JO c’est magnifique. Tout le monde ou presque garde à l’esprit le souvenir d’une édition des JO, d’un geste symbolique comme aux JO de Mexico en 1968, un scandale incroyable comme en 1988 à Seoul, ou une victoire inoubliable comme celle d’Usain Bolt au 100m en 2008 à Pékin, avec un lacet défait…
Et encore, je ne parle ici que d’athlétisme. Mais on pourrait chercher de tels grands moments dans toutes les disciplines, de l’aviron au cyclisme, du marathon au volleyball, de la natation synchronisée au tennis. Sans oublier les sports qui apparaissent ou disparaissent du menu des jeux, au gré des volontés du Comité International Olympique, organisation non gouvernementale à but – théoriquement – non lucratif, mais appelé à gérer un événement dont le budget total s’estime en milliards d’euros…
Les JO, c’est une logistique incroyable. Des millers d’athlètes issus de plusieurs dizaines de pays, des délégations comprenant entraîneurs, soigneurs, journalistes sans oublier les centaines de milliers de supporters attendus pour soutenir leur athlète favori ou leur équipe préférée…
De cet engouement international et de l’attrait certain propre aux JO, certains ont voulu tirer profit à leur manière. Le CIO étant extrêmement pointilleux sur tout ce qui concerne l’image de la compétition, des droits de retransmission à l’usage du logo, les amateurs de gains faciles se sont reportés, cette année, sur d’autres types de produits dérivés, comme, par exemple, les infrastructures d’accueil. On a vu bondir, depuis plusieurs mois, le prix des locations sur AirBnB durant la période s’étalant de juillet à septembre. Certains propriétaires se sont même mis dans la tête de mettre un terme aux bails en cours pour profiter de la hausse des tarifs espérée.
… mais aussi celle du pays d’accueil
Pour le pays d’accueilles JO sont présentés comme une aubaine, une manne financière. Mais est-ce si sûr ? La France, pays touristique par excellence, a-t-elle vraiment besoin d’organiser une telle compétition pour crouler sous un flot ininterrompus de touristes ? La question mérite d’être posée, d’autant plus que les JO, aussi attractifs qu’ils soient, posent des contraintes spécifiques qui ont des répercussions immédiates sur les autres formes de tourisme.
Le Canard enchaîné de la semaine dernière évoquait, par exemple, le casse-tête posé par l’arrivée quasiment simultanée de dizaines de délégations officielles, de chefs d’état avec leurs forces de sécurité, dans des avions qui devront être parqués dans les aéroports parisiens, déjà à la limite de la surchauffe, durant la période d’interdiction de vol en région parisienne.
La sécurité des JO est le casse-tête principal des forces de police depuis plusieurs semaines, mobilisées de plus par les événements en cours en Nouvelle Calédonie, ou les manifestations appelant à la fin de la guerre à Gaza. Pour assurer un niveau de sécurité optimal, des zones ont été définies, autour des principaux lieux où se dérouleront les compétitions. Une signalétique de zones rouges, grises ou noires a été mise en place, autorisant, selon sa couleur, un accès plus ou moins restreint aux véhicules, aux riverains, aux professionnels de la restauration ou des services, aux piétons avec ou sans billets, etc.
Un site a même été mis en place pour préparer la population résidant ou travaillant autour des zones concernées aux changements induits par ces contraintes. Dénommé à juste titre Anticiper les jeux, ce site est là pour nous informer des contraintes mies en place et nous permettre de prendre les bonnes dispositions à l’avance.
Habitant et travaillant dans deux zones distinctes toutes deux impactées par les JO, et étant amené à utiliser les transports en commun reliant ces deux zones disjointes, je me suis donc rendu sur ce site dont une campagne d’affichage assez tapageuse assurait la promotion ces dernières semaines. Je n’ai pas été déçu. Au lieu de se nommer « Anticiper les jeux », ce site aurait tout aussi bien pu s’appeler Anticiper les bordel ou Anticiper les emmerdes…
L’important, c’est d’anticiper !
Loin de moi l’idée de faire du JO-bashing : je suis friand de sport à la télé, et même si je n’ai acheté aucun billet pour assister à telle ou telle compétition, je me dis tout bonnement que ce qui peut fonctionner à Londres, à Pékin ou à Rio n’a aucune raison de ne pas fonctionner à Paris. Je me suis d’abord mis à rechercher, en vain, des sites équivalents pour les dernières éditions des JO à Tokyo en 2020, à Rio en 2016 ou à Londres en 2012. Comment les municipalités de ces trois grandes villes ont elles préparer leurs habitants aux désordres induits par cette manifestation ?
Bon pour Tokyo 2020, à vrai dire, il ne m’a pas fallu chercher bien loin : année Covid, 2020 n’a vu aucune compétition olympique se dérouler… et les JO de 2020, souvenez-vous, se sont déroulés en 2021, sans public. Mais pour Rio ou Londres, je n’ai hélas pas trouvé de site du genre Anticipate the fucking olympics ou Anticipa las putas olimpiadas. Anticiper les jeux n’y était donc pas aussi prioritaire ?
Je suis donc allé faire un tour sur ce site gouvernemental, qui allait m’expliquer comment traverser le fichu pont qui me permettra de me rendre au travail, ou rejoindre mon domicile sans passer par les stations de métro fermées et sans prendre les lignes de bus détournées… Comme le dit si bien le site (cf. copie d’écran plus haut), paraphrasant Pierre de Coubertin dans une ironique formule : L’important, c’est de se préparer !
Attention, parcours du combattant en perspective.
Anticiper les jeux…
Le site commence va vous faire anticiper non les jeux eux-mêmes, mais .. les phases de montage et démontage des infrastructures temporaires. Jusque là, ce n’est pas si mal. Après tout, anticiper, c’est aussi prévoir ce qui va se passer avant ?
On passe ensuite à la cérémonie d’ouverture elle-même. Elle aura lieu le vendredi 26 juillet, mais le bordel généralisé débutera quelques heures avant. N’imaginez donc pas faire une balade en bateau-mouche ou traverser la place de la Concorde peinard la veille ou l’avant-veille.
Fort bien, passons alors au gros du sujet, quels sont les axes fermés, et les moyens de transport perturbés par la mise en place et la cérémonie d’ouverture ? Un compte-rendu vous est proposé sous la forme suivante :
Ça a l’air clair et précis, n’est ce pas ? Ça donne même envie d’en savoir plus. On clique donc sur les fermetures à venir. Et on accède à une page bien détaillée sur ce qui se passera sur les principaux « spots » des JO : la place la Concorde, le Champ de Mars, les jardins du Trocadéro, les Invalides et le Grand Palais. Avec à chaque fois l’impact sur les routes et sur les transports en commun..
Ce premier niveau d’instruction sur les zones et les périmètres de sécurité établi, je me suis donc intéressé à la carte interactive, qui récapitule ce qu’on aurait pu comprendre à la lecture des instructions précédentes.
Réalisée avec Open street map (pan dans le nez de Google maps), cette carte permet de visualiser, jour après jour, l’étendue des périmètres de sécurité autour des principaux lieux de compétition, ainsi que l’impact sur les transports en commun. Hélas, sur ce dernier point, je dois avouer que je reste dans le doute : si la fermeture des stations de métro et des gares de Tramway est bien indiquée, si les perturbations sur le traffic des principales lignes concernées sont bien rappelées, je n’ai rien trouvé au sujet des lignes de bus…
Alors, emmerdes ou pas emmerdes ?
Assurément, ces JO seront une belle fête. Dans les stades, bien sûr, mais aussi à la télévision.
Alors si vous voulez participer à la fête, rien de plus simple : évitez de vous déplacer dans Paris pendant ces JO. Cet euphémisme aurait d’ailleurs pu être le nom de ce site internet. C’est à croire que le développement et l’acceptation du télétravail par les employeurs, lors de la crise du Covid, n’avait pour objectif que de préparer les parisiens aux sept ou huit semaines qu’ils vont passer chez eux, à éviter de se retrouver embarqué dans un embouteillage humain.
D’ailleurs, beaucoup de parisiens et de banlieusards ont décidé d’anticiper les jeux à leur manière, et envisagent de quitter Paris bien avant le début des JO, histoire de ne pas se retrouver par l’affluence dans les gares et les aéroports, les menaces de grèves des conducteurs de métro, des contrôleurs aériens et des éboueurs parisiens, ou les embouteillages sur des périphériques amputés d’une voie, la plus rapide…
Allez, anticipez bien, mes amis…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec