ADN + protectionnisme = la bonne recette d’AeroMexico pour faire du buzz
Il y a du génie dans cette petite vidéo, postée sur YouTube et qui fait la réclame pour une compagnie aérienne mexicaine, AeroMexico, membre de SkyTeam. Le concept est simple: si de nombreux mexicains souhaitent se rendre aux États-Unis, l’inverse est d’autant moins vrai. Les mexicains ont une opinion favorable de leur voisin, pays épris de liberté et soucieux de développement économique, alors que les états-uniens ont une visions déplorable du Mexique, pays où règnerait la contrebande, la drogue, et un niveau de violence inacceptable. Alors pour inciter les voisins américains à venir visiter le Mexique, la compagnie aérienne a conçu, à l’aide de son agence Ogilvy, ce film étonnant, visible sur Youtube et rediffusé avec un énorme succès sur les réseaux sociaux (je l’ai trouvé sur LinkedIn, puis retrouvé de nombreuses fois sur Twitter et Youtube en quelques heures).
Le principe est simple: sur la base de données démographiques publiques fournies par le DHS, et concernant l’immigration mexicaine aux États-Unis depuis deux siècles, des américains pur jus, habitants la petite ville de Wharton, à moins de 500 kilomètres de la frontière mexicaine, ont été interrogés sur leur perception du Mexique: globalement très négative. Puis ils ont – selon la vidéo – accepté de réaliser un test ADN, pour détecter leur part d’ADN probablement issue d’un ancêtre d’origine mexicaine (étaient-ils prévenus au préalable? on le le sait pas). Là, stupeur, la plupart ont entre 10 et 20% de leur patrimoine génétique issu d’un ancêtre mexicain.
On aurait pu s’arrêter là. Mais cette campagne va encore plus loin, et propose une remise basée sur le pourcentage d’ADN mexicain (d’où son nom, DNA Discounts). En gros, plus vous avez d’ascendance mexicaine, plus vous bénéficierez d’une importante réduction sur le prix du billet. On aurait pu imaginer l’inverse, de manière à inciter ceux qui n’ont aucun rapport avec le Mexique à venir faire le voyage, alors que ceux qui sont pour partie mexicains auraient moins de réticences, mais la campagne n’a pas été imaginée dans ce sens.
Le résultat, c’est une campagne qui remporte un succès étonnant sur les réseaux sociaux, notamment ur TouTube, où je vous invite à lire les commentaires des internautes. Entre les mexicains qui ne souhaitent pas voir débarquer ces « Rednecks », et aimeraient voir le mur érigé par le Mexique, et ceux qui remarquent qu’être d’ascendance mexicaine, cela ne veut rien dire – le Mexique est un état, non une ethnie, cela vaut le déplacement.
Un des commentaires a particulièrement attiré mon attention: la vidéo a été postée en mai 2018, comme en atteste la mention de la date de publication sur la chaîne de DHO Studios, le studio qui est derrière la réalisation de ce film, réalisé par Rafa Martinez. Elle serait donc restée 6 mois en ligne, sans susciter le moindre intérêt, avant de devenir virale il y a quelques jours, grâce à une campagne savamment orchestrée dans la presse américaine. Pourtant, le sujet du mur entre les États-Unis et le Mexique ne date pas d’hier, cela fait près d’un an qu’on en parle. Quel élément, quel facteur externe a déclenché l’attention de tous les médias?
Au-delà de ces aspects, on peut se demander si l’approche génétique d’une publicité est quelque chose appelé à se développer. Un tel film publicitaire resterait bien évidemment interdit en France, où les tests ADN sont prohibés. Pourrait-on envisager, un jour, un ciblage génétique des campagnes publicitaires? Cela aurait-il un sens? AeroMexico, par ce type d’approche, ouvre-t-il la voie à d’autres idées créatives basée sur un usage original de données a priori sensibles?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec