Abandonnez le leadership, passez au « followership »
Depuis quelques années, je suis devenu un lecteur régulier de The Economist. J’ai déjà évoqué sur ce blog les nombreuses vertus de cet hebdomadaire. Et chaque semaine ou presque, je commence la lecture ce ce magazine par deux articles : la nécrologie (en dernière page) et la rubrique intitulée Bartleby, consacré au monde de l’entreprise. Je ne sais comment fait son auteur pour trouver un sujet intéressant à aborder, chaque semaine. Peut-être ne fait-elle qu’une rapide introspection de ses préoccupations du moment. Ou bien interroge-t-elle ses proches ou ses anciens collègues ? Peu importe comment elle procède, je dois avouer que c’est rudement bien réussi.
Du leadership au followership
Il y a quelques jours, Bartleby parlait d’un sujet auquel j’ai souvent réfléchi, sans trouver les mots pour l’aborder avec aisance : le « followership« . Le terme ne vous dit probablement pas grand chose, et pourtant il concerne la majeure partie de l’univers du travail en entreprise – et on en parlait dans la Harvard Business Review il y a quelques mois. Followership n’est en effet le pendant de leadership, l’autre face de cet univers qui fait la part belle aux leaders et aux managers, mais oublie – consciemment ou non – que ces derneirs ne représentent qu’une infime portion de l’humanité.
D’après Bartleby, il existe une littérature, certes peu fournie, sur le sujet du followership. J’avoue humblement ne l’avoir jamais consultée, et ne m’être jamais arrêté devant les rayonnages de la FNAC ou du Virgin Megastore pour en feuilleter quelques ouvrages. Amazon propose bien une centaine d’ouvrages comportant le terme followership dans leur titre, mais curieusement ils sont rangés dans la section « Management »… Il faut dire que nombre d’entre eux abordent le sujet sous l’angle du leadership et de la relation aux équipes… À l’opposé, une recherche Amazon sur le terme « leadership » renvoie plus de 50 000 références.
Apprenez à identifier les 5 types de followers
Le sujet serait-il si inintéressant que cela pour que la littérature professionnelle s’en désintéresse autant ? J’en doute fort, tout comme Bartleby, qui cite un auteur, Robert E. Kelly, qui, en s’intéressant à cette population si particulière de salariés, a fini par identifier 5 types de followership. Je ne résiste pas à l’envie de partager cette classification avec mes amis lecteurs, afin qu’ils puissent trouver de quelle catégorie ils se rapprochent le plus.
- les moutons : leur caractéristique principale, c’est leur passivité. Ils vont là où on leur dit d’aller, sans se presser et sans se poser de question. Difficile d’aller bien loin avec eux, mais il y a des métiers où ils sont nécessaires.
- les yes-people : ils font avec enthousiasme ce leur boss leur demande, mais ne pensent jamais par eux-mêmes. C’est la version premium du groupe précédent.
- les alienated followers : ils peuvent penser par eux-mêmes, mais la plupart du temps, c’est pour critiquer leur entreprise, ou pour expliquer pourquoi et comment cette entreprise marche à l’envers. Pour moi, ce sont les plus dangereux pour la stabilité de l’entreprise.
- les pragmatiques : ils s’investissent dans les projets qu’on leur confie, mais sont rarement à l’origine de changements critiques pour l’entreprise. À mon sens, ce sont les meilleurs profils, à privilégier durant toutes les phases du développement de l’activité aussi bien qu’en régime permanent.
- les stars : il pensent par eux-mêmes, débordent de positivité et d’énergie, et font preuve de critiques constructives. Et le plus souvent, ce sont ceux-là qui finissent par devenir des leaders. Et par quitter l’entreprise s’ils ne trouvent pas le moyen de s’y épanouir…
Alors, vous avez trouvé votre groupe ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Une fois n’est pas coutume, un influenceur des réseaux sociaux, s’intéresse au phénomène qu’il suscite. Bravo.
Cela explique peut-être pourquoi il le découvre avec surprise ? Car, l’originalité de cet article semble venir de ce qu’il part du follower, alors que d’ordinaire on part du leader. Et, là, il y a des wagons de livres sur le sujet. (En Allemagne, on parle de Führer, en France, de meneur, plutôt que de « conducteur » ou de « guide »…)
Peter Senge, par exemple, présente de « possible attitudes toward a vision » : Commitment, Enrollment, Genuine compliance, Formal compliance, Grudging compliance, Noncompliance et Apathy.
Autre théorie célèbre : celle de Robert Merton : https://en.wikipedia.org/wiki/Strain_theory_(sociology)#Merton's_Theory.
A noter aussi que Robert Cialdini, dans Influence, science and practice, constate que la seule chose que l’homme semble vouloir optimiser, c’est son cerveau. Par nature, nous serions donc des suiveurs. Excellent livre, par ailleurs.