A quoi peut bien servir une imprimante 3D?
De toutes les percées technologiques de cette décennie, l’imprimante 3D me semble l’une des plus intéressantes. Je me suis même laissé séduire par la Buccaneer, une imprimante 3D cofinancée en mode « crowdfunding ». Mais à quoi peut bien servir un tel objet? C’est la question que je me suis posée ce midi en compagnie de Thierry Frey, et voici quelques unes de mes conclusions.
Très honnêtement, je ne vois pas un tel objet s’imposer pour passer ses journées à produire des canards verts et des dragons jaunes pour amuser les enfants. Trop cher pour cela, et cela ne permettrait pas une diffusion massive, similaire à celle qu’a connue l’imprimante à jet d’encre qui trône au sein de presque tous les foyers. Non, pour que l’imprimante 3D connaisse un véritable succès, il faut procéder en plusieurs étapes.
1- Des boutiques impression 3D minute
Avant tout, il faut habituer les consommateurs à utiliser une imprimante 3D. Un tel produit étant trop cher pour une utilisation anecdotique, tant au niveau de l’appareil que de « l’encre 3D », il faut envisager une mutualisation des usages, comme au sein d’un pressing minute, ou d’un magasin d’impression-minute style CopyTop. On y arriverait avec sa clé USB contenant les données 3D à imprimer, ou l’on enverrait ses données par mail ou via le cloud, et récupérerait le modèle imprimé quelques minutes / heures plus tard, selon la complexité. Le prix du produits serait-il calculé sur le nombre de pièce ou la quantité de matière utilisée? Ou même au poids?
Qui se lancera le premeir dans une telle activité? CopyTop? Un concurrent? Un nouvel acteur?
2- Des librairies de pièces 3D
Contrairement à un texte ou à une image, la production d’un modèle 3D est une chose complexe, qui requiert des compétences particulières: on ne crée pas un modèle 3D comme on rédige son CV. Il faut donc envisager la mise à disposition de nombreuses bibliothèques de pièces, un peu à l’image de la 3D Warehouse proposée par Google il y a quelques années, et qui vient de fermer, ou encore celle de 3dvia. Je me souviens d’y avoir laissé un très beau modèle de C60. Ces librairies d’objets 3D, cependant, me semblent encore trop complexes. Il s’agit de modèles complets, sophistiqués, alors qu’un usage démocratisé de l’imprimante 3D consisterait probablement à proposer des pièces individuelles, comme des boutons, des charnières, etc. des objets simples, mais qui pourraient éviter de mettre au rebut l’ensemble complexe auquel ils appartiennent.
Il y a de la place pour de nombreux acteurs dans ce domaine. Des bibliothèques de modèles 3D spécialisées, plus ou moins complexes verront probablement le jour. Des startups doivent voir le jour et proposer des objets pour la maison, des modèles 3D pour le sport, etc.
L’alternative, c’est bien sûr la combinaison scanner+imprimante. La technologie du scan 3D existe depuis longtemps dans l’industrie, mais pas dans les produits de grande conso. Peut-on envisager des scanners 3D pour le grand public, sur la base d’un smartphone ou de lunettes Google?
3- La gestion des droits
A un moment donné, la multiplication de telles bibliothèques de modèles 3D posera probablement de sérieux problèmes juridiques, en voici quelques uns:
- Une bibliothèque peut-elle proposer des modèles de pièces 3D issues d’objets réels commercialisés par des entreprises? Si la copie du modèle dans son intégralité est interdite, a-t-on le droit de le copier pièce par pièce? Pour un usage domestique?
- Si un consommateur utilise une copie d’une pièce critique d’un assemblage, par exemple une charnière, et que l’objet se brise et provoque un accident, la responsabilité du fabricant est-elle engagée? et celle du fabricant de l’imprimante ou de l’encre 3D?
4- L’arrivée des géants de l’impression
Le monde de l’impression est dominé par quelques géants: Canon, Minolta/Kyocera, Xerox, HP, etc. Aucune de ces entreprises, me semble-t-il, n’a encore commercialisé de produit pour l’impression 3D. Ni produit, ni même prototype. On parle de l’arrivée d’HP en 2014, ce sera probablement le moment de mesurer le véritable potentiel de ce secteur.
Si certains des grands de l’impression sortiront leur propre produit, d’autres combleront leur retard par l’acquisition de sociétés innovantes, comme Pirate3D…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Bonjour Hervé, excellente analyse ! Je vous rejoins notamment sur le point des bibliothèques. C’est pour cette raison que nous nous apprêtons à lancer la première bibliothèque de modèles 3D en France. Dites-moi si vous désirez un accès beta !
J’en serais ravi, pour pouvoir tester mon imprimante lorsqu’elle arrivera en 2014…
Moui, évidemment tu as raison, mutualisation, impression 30 minutes, bibliothèques de modèles….
Mais à quoi ça sert ?
Effectivement, dans l’enthousiasme de la rédaction, j’ai oublié de dire à quoi ça sert: et bien tout simplement, à reproduire ces petits objets du quotidien que l’on peut briser, égarer ou qu’on veut un jour modifier. Boutons, poignées, charnières, boîtes, etc.
Dans la liste des géants, tu as oublié Xerox !
Caroline, tu as raison!
Dans la liste des géants, tu as oublié Xerox !
Oui oui. La théorie.
Maintenant j’ignore les qualités mécaniques des matériaux disponibles pour les particuliers mais ça doit exclure d’emblée un bon paquet d’usages. Si on ajoute les limites dimensionnelles ça en exclut d’autres. Réparer un objet en ré fabricant une pièce cassée soit, mais même avec des bibliothèques de pièces ça risque d’être difficile de trouver son bonheur. Enfin, j’ignore quels sont les coûts qu’on peut attendre mais élèves pour le moment sans doute.
Je ne nie pas l’intérêt en général de la techno, hein, et j’imagine pas mal d’usages… Dans pour certaines industries ou professions libérales et médecine.
Pour le particulier en revanche l’usage m’en semble rare… Des pièces de rechange, des es petits accessoires je les trouve sur le net et les achète à un prix imbattable.
Hervé, combien de fois ton imprimant t’a vraiment été utile ? ( exemples à l’appui ). Même mon imprimante papier je ne m’en sers quasiment jamais.
N’assiste-t-on pas à un phénomène de mode qui exagère l’intérêt et l’avenir de.cette techno en particulier pour le grand public ? Phénomène amplifié par la peur de « passer à côté » de la prochaine révolution…
Je te rejoins sur le prix, dissuasif au début. Mais imagine une évolution sur 20, 30 ans. Le prix chutera inévitablement avec la multiplication des usages.
A quoi servait un ordinateur personnel au début des années 80? Sans réelle offre de logiciels, sans connectivité, c’était un beau jouet décoratif. De nos jours, pas un foyer sans ordinateur ou tablette connecté à Internet.
C’est tout le piquant de ce débat, soit l’impression 3D est le nouveau PC et donc le futur Eldorado, soit il fait partie de ces technologies qui vont se généraliser dans le monde professionnel mais pas forcément pénétrer les foyers.Il y a eu des précédents.
Pour info, le marché de l’impression papier: http://www.computerworld.com/common/images/site/features/2012/07/printer_chart.jpg qui régresse alors que le taux d’équipement informatique lui ne fait qu’augmenter lui. Et pourtant il y a 20-30 ans…
J’attends impatiemment qu’on puisse imprimer des prothèses (dentaires, orthopédiques) par exemple, mais je doute que passé un engouement du grand public pour un objet finalement très geek on se trouve avec un taux d’équipement très élevé chez les particuliers.
C’était ma contribution à 50 centimes 😉
Peut-être as-tu raison, mais imagine l’économie que peut réaliser une famille, apr exemple, en photocopiant en 3D des jouets pour éviter de payer une fortune en Lego ou en Playmobil. Ou le fait de pouvoir reproduire des boutons de chemise même si on en a perdu. Ou de décorer une pièce avec autant de statues que souhaité. Ou de fabriquer son propre service de table. Etc. Est-ce un rêve de pur geek?
aaaahhhhh. Oui, ça ressemble à un rêve de geek (pour moi).
Une impression 3D moins cher qu’un équipement industriel spécialisé, je doute, ou alors tu imprimes en 3D des Légos et clairement tu es en train de pirater car la forme des Légos est protégée.
N’est-ce pas comme si ondisait des imprimantes papier « on pourrait s’imprimer des livres à la demande ». D’ailleurs cela a surement été dit. Ben non, pas moyen de desscendre suffisamment les coûts pour que ce soit rentable, et je m’attends à la même chose en 3D.
J’ajouterais une chose, tu imprimeras des objets bruts, avec certaines limites dans les états de surface et surtout sans peinture, sans vernis, sans décoration. Pour que ton boutonde chemise aie la même allure que les autres, il y a encore un travail sur la matière et les couleurs que personne ne fera.
Aujourd’hui, tu peux acheter ton service de table prêt à décorer + peintures adaptées (dans tout bon magasin d’art créatif). Avec un four tu peux même assez facilement te le fabriquer. Mais ça n’interesse pas grand monde à la fin.
Mais je me suis déjà tellement planté sur de la prospective que tu pourrais bien avoir raison 🙂
Tu as raison sur la question des matériels, des coloris, des enduits. Mais nous n’en sommes qu’aux débuts.
Concernant la forme protégée des lego, je m’interroge sur le droit à une copie privee. On a parfaitement le droit de photocopier pour soi, de copier un dc ou un DVD pour un usage privé. Pourquoi pas une photocopie 3D? C’est ce que j’évoque dans l’article en indiquant que de vastes voies légales devront être ouvertes pour traiter du sujet de la copie 3D.
Au faut, cette semaine en Israël, mes amis ont vu chez primesense un scanner 3D qui servait ensuite à faire de la copie 3D. On y est presque….