400 millions de dollars, pour voir
400 millions de dollars, c’est la somme faramineuse déjà engagée par Michael Bloomberg dans la bataille pour remporter les primaires démocrates. Un quotidien du soir parlait d’une stratégie de tapis de bombes, ce n’est pas exagéré : on a l’impression que le milliardaire et ancien maire de New-York cherche à éradiquer toute forme d’opposition par un investissement publicitaire massif. Et encore, on n’en est qu’aux primaires, imaginez un peu les montants investis pour tenir jusqu’aux élections, dans ce qui serait un duel entre deux candidats paradoxaux, comme le rappelait Steve Bannon, interviewé sur France Culture ce matin. Trump, ancien démocrate devenu président républicain, et Bloomberg, ancien républicain devenu candidat démocrate.
En France, de tels montants paraîtraient obscènes. On préfère, chez nous, imposer des plafonds ridicules aux dépenses de campagne, au prétexte de rétablir l’égalité des chances entre tous les candidats, quitte à ce que les plus puissants cherchent à contourner les limites par des pratiques qui alimentent, plusieurs années plus tard, les colonnes du Canard Enchaîné. Pourtant, rien ne dit qu’avec ses 400 millions de dollars, Bloomberg réussira à écraser Bernie Sanders. L’argent ne fait pas tout. Les idées, le programme, l’aura personnelle, le temps passé à rencontrer les électeurs, comptent tout autant, si ce n’est plus, que les campagnes achetées sur Google et Facebook.
Parlons-en d’ailleurs, de Google et Facebook. Ce sont peut-être les grands gagnants d’un tel combat. Ayons une pensée émue pour Twitter qui a décidé de ne plus autoriser la publicité politique… Les montants investis pour tenter de convaincre les électeurs par le biais du digital n’ont fait que s’amplifier depuis la première campagne électorale vraiment digitale, celle menée par Barack Obama en 2008. On l’oublie souvent, et on pense que Trump est le seul a avoir tenté d’utiliser le digital à son profit. C’est évidemment faux, l’équipe Obama était probablement encore plus pointue et novatrice en la matière. La campagne Trump s’est juste déroulée à un moment où ces usages étaient devenus courants.
D’ailleurs, on attribue souvent certains excès de la politique américaine à Trump, alors que les décisions majeures ont été prises durant les mandats précédents, comme l’explique cet excellent podcast, qui rappelle que c’est sous Obama qu’a été modifiée la règle imposant une majorité simple pour le choix des juges à la Cour Suprême.
Bref, à quelques jours du « super Tuesday », tout est encore possible, et bien malin celui qui donnera le vainqueur de ces primaires, ce héros des temps modernes qui aura le loisir de s’opposer à Donald Trump. Joe Biden et Elisabeth Warren n’ont plus aucune chance. Pete Buttigieg est trop fragile pour représenter une véritable menace face au président sortant.
Si Bernie Sanders sort vainqueur de cette première passe, je suis prêt à parier que ce ne sera pas si facile pour Donald Trump. Un match opposant deux populistes, c’est ce qu’il y a de plus incertain.
Mais face à Michael Bloomberg, pour moi, les jeux sont déjà faits : Trump le croquera tout cru.
Avec ses 400 millions de dollars.
Et peut-être même un peu plus.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec