3 scénarios délirants pour l’après 7 juillet 2024
Si la France des années 80 était marquée par l’opposition de deux blocs aux projets distincts, la France du 21e siècle voit l’opposition de trois blocs aux priorités antagonistes. Je l’avais déjà évoqué en 2017 et en 2022, et le résultat de ces législatives viendra probablement renforcer cet état des lieux, avec des niveaux de représentativité asses homogènes, chaque bloc représentant environ un tiers des électeurs.
Malheureusement, il est difficile de composer une majorité absolue avec un tiers des voix, et les découpages électoraux n’y feront rien : nous nous dirigeons vers un pays difficilement gouvernable. Cela fait gamberger pas mal de monde, autour de moi. Amis, famille, collègues, tout le monde se demande à quoi ressemblera l’après 7 juillet. Dans une logique proche de celle du Cygne noir de Nicholas Taleb, considérant qu’improbable et impossible sont deux concepts distincts que l’on confond très – trop – souvent, voici trois scénarios délirants, improbables, mais pas tout à fait impossibles, pour l’après 7 juillet…
Scénario 1 : retour à la 4e république…
C’est le scénario qui a le plus de chance de se réaliser en cas d’absence de majorité absolue : Macro doit nommer un premier ministre, il aura le choix entre trois groupes qui représentent chacun entre 30% et 40% des députés. Ce premier ministre, qu’il soit issu de la gauche (extrême ou pas), de la droite (extrême) ou du centre (élargi à un peu de droite) ne disposera donc d’aucune marge de manoeuvre. Autrement dit, chaque loi que son gouvernement proposera de voter se verra opposer un tir de barrage. Restera l’option 49.3, avec la possibilité d’une motion de censure, et la chute du gouvernement. Macron pourra se faire plaisir, et faire tourner les représentants, il a trois ans devant lui. À terme, cela ressemblera beaucoup à la quatrième république et à la valse des gouvernements, qui ne dureront que quelques mois…
Scénario 2 : l’appel à la société civile
Le président de la République n’est, contrairement à ce que l’on croit, pas obligé de choisir un premier ministre parmi les députés élus. C’est d’ailleurs la raison qui permet à Jean-Luc Mélenchon d’agacer ses partenaires en affirmant être disposé à occuper ce poste, alors qu’il ne se présente même pas.
Dans ce scénario 2, Emmanuel Macron peut très bien faire appel à un premier ministre apparenté à aucun parti politique, et même pas élu à l’Assemblée nationale. Ce pourrait être un chef d’entreprise, un spécialiste du management de transition, chargé de remettre la France en ordre de bataille. Je suis certain que certains anciens grands patrons, ou start-uppers à succès, seraient prêts à relever le défi. Il pourrait ainsi composer un gouvernement sans appartenance politique, composé non pas de politiciens de carrière, mais de professionnels spécialistes de leur domaine : Jancovici à l’énergie, Didier Deschamps aux sports, Jean Tirolle à l’économie, etc. Les projets de lois présentés devant les députés ne seraient ainsi pas recalés sur des simples critères électoralistes, et pourraient être jugés sur la base de leur potentielle création de valeur…
Seul hic de cette solution : on a déjà expérimenté cette approche avec des personnalités issues de la société civile (Hulot, Villani…) et les résultats n’ont pas toujours été concluants…
Scénario 3 : la méthode israélienne…
S’il y a un pays habitué à l’instabilité parlementaire, c’est bien … Israel. Depuis plusieurs décennies, la proportionnelle intégrale qui prévaut dans ce petit pays produit une Knesset où la moindre spécificité est représentée par un ou deux élus. Les grands partis comme le Likoud ou feu le parti travailliste ne représentent pas plus d’un quarts des suffrages exprimés. La conséquence de ce mode de représentation, c’est que le premier ministre doit toujours composer une coalition pour gouverner.
Composer une coalition, c’est aussi ce que chercherons à faire les trois groupes qui sortiront des urnes le 30 juin et le 7 juillet. Avec trois groupes de 30%, on peut réaliser trois coalitions. Je vois cependant mal l’un des deux partis extrêmes s’unir avec ce qu’il restera du groupe LREM, le rejet de Macron ayant atteint un niveau trop important.
Reste une coalition LFI-RN.
Hautement improbable.
Mais on a vu des trucs tout aussi improbables se réaliser par le passé…
Et ils ont au moins un truc en commun : leur haine profonde de la social-démocratie.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec