2001-2006: le défi du PLM
En 2000 explose la seconde Intifada. Quel rapport ? Et bien SmarTeam, développe un PDM parfaitement intégré à SolidWorks, et à une dizaine de produits de design concurrents, ainsi qu’à CATIA V5. Un bon produit, mais une équipe de R&D en Israël. Et avec l’Intifada, plus aucun cadre français n’est prêt à faire le voyage à Kfar Saba (banlieue de Tel Aviv) : ça pète toutes les semaines…
En 2001, EasyGlider n’avait pas réussi à décoller. A l’occasion d’une discussion avec Nathalie Irvine, je me retrouve dans le bureau de Bernard qui me propose de revenir chez DS, pour faciliter l’intégration de SmarTeam. Une très belle offre, et c’est reparti … Deux ans d’allers-retours, pour expliquer aux Israéliens les impératifs du développement à la sauce DS et du partenariat avec IBM, et pour expliquer aux équipes de Suresnes que SmarTeam est un très bon PDM, trop souvent sous-évalué en interne.
C’est que de l’équipement des entreprises en solutions de conception 3D, l’enjeu est désormais passé à celui de gérer le « cycle de vie des produits », en anglais le Product Lifecycle Management (PLM). Je ne sais pas qui a inventé l’expression – pas sûr que ce soit DS – mais elle colle bien à l’idée : il s’agit d’utiliser un même référentiel tout au long de la vie d’un produit : des étapes de conception au prototypage, des tests à la production, de la vente au marketing et jusque dans les prochaines versions.
L’enjeu, c’est de devenir l’ERP orienté industrie. Au-delà de la « maquette numérique », autre grande invention maison, la vision de DS est la bonne, mais il y a un hic : il y a deux produits rivaux en interne : ENOVIA, qui regroupe 2 ou 3 produits différents, fonctionnant sur Mainframe et très orienté maquette numérique, et SmarTeam, qui ne fonctionne que sous Windows, et gère tout un tas de données de manière agnostique : pas de maquette numérique, mais il peut gérer des documents Office, et des données 3D provenant d’outils concurrents. En positionnant ENOVIA comme PDM entreprise et SmarTeam en PDM départemental, DS jouait-il la bonne combinaison? Personnellement, je ne le pensais pas: SmarTeam était un petit bijou incapable de gérer la maquette numérique en base de données, mais capable dépouser les processus d’entreprises encore adeptes des environnements Windows.
Toujours est-il qu’en 2006, et après le départ de l’équipe dirigeante de SmarTeam (dont certains créeront des startups revendues plusieurs millions de dollars peu après…), DS rachète un troisième larron, MatrixOne, et met tout le monde d’accord sous une marque unique : ENOVIA.
Au bout de deux ans d’aller-retours, l’intégration de SmarTeam au catalogue IBM avait donné un fabuleux coup d’accélérateur au produit, et je décide de rejoindre DSF, le principal business partner IBM en France. Il faut savoir que dans le cadre du contrat IBM-DS, IBM commercialise les produits soit en direct, soit au travers de son réseau de partenaires commerciaux. Il y en a dans de nombreux pays, et le principal business partner en France, à cette époque, se trouve être une entité de DS… J’y passerai 4 années, d’abord pour booster les ventes de SmarTeam, puis pour en devenir le DSI et lancer des produits internes innovants : un mini ERP facturation basé sur SmarTeam (comme quoi, c’était vraiment du PDM entreprise…) et une plateforme de blog en entreprise appelée « blueKiwi »…
Pendant ce temps, DS poursuit sa croissance : Virtools, Abaqus (qui deviendra SIMULIA), entre autres. Le groupe compte quelques milliers de collaborateurs. En 2001, DS fête son 20e anniversaire dans les salons Equinoxe : un grand show, dont je ne garde qu’un souvenir assez diffus. L’organisation interne évolue également : la R&D, autrefois coupée en deux divisions parfois antagonistes, et réunifiée sous l’égide de Dominique Florack, alors que Bruno Latchague va s’occuper de développer le service autour des applications et du PLM : de plus en plus, les logiciels de DS nécessitent l’utilisation d’équipes de « Professional services », pour adapter les produits du PLM aux spécificités des projets de ses clients.
Le paradigme de ces années là, c’est La 3D pour tous (3D for All). Le chemin est long avant d’y arriver. DS, entreprise dont l’ADN est B2B, n’a jamais abordé le marché du consumer. L’entreprise est absente du secteur des jeux 3D (Virtools permettra d’y prendre pied), du cinéma d’animation (chasse gardée d’Alias à cette époque), bref des usages grand public de la 3D. Les premières incursions se feront, grâce à Virtools, dans le secteur de la grande conso. DS noue des liens forts avec deux entreprises qui joueront un rôle important à la fin de la décennie: P&G et Publicis…
C’est alors que DS va entreprendre l’une des décisions les plus importantes de son existence : se séparer d’IBM…
Les autres articles sur ce sujet :
- 1981-1991: la 3D débarque dans les bureaux d’étude
- 1991-1996: la V4 et l’enjeu du paramétrique
- 1996-2001: la lente maturation de la V5
- 2006-2011: au revoir IBM
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec