Seriez-vous prêt à voler sur Air Drone?
De bon matin, je me suis posé une question stupide: serions-nous prêts à voler sur des avions sans pilote? Le progrès technologique a permis l’essor de moyens de transport automatisés, comme la ligne de métro 14 à Paris, ou les fameuses Google Cars, et les armées de tous bords s’intéressent aux avions de combat sans pilote. La question vaut donc d’être posée: accepteriez-vous dans dix, vingt ou 50 ans, de monter à bord d’un avion sans pilote?
D’abord, il faut bien se poser la question de l’intérêt de supprimer le poste du pilote (et d’une partie de l’équipage probablement). Ce n’est pas si évident. La suppression du pilote est un atout évident en matière d’aviation militaire, car cela permet de se passer des contingences humaines, et notamment de faire suivre au véhicule des trajectoires qu’aucun être humain ne supporte facilement. Mais en matière d’aviation civile, il n’est pas question de faire subir 9 ou 10G. Alors?
Première piste du côté de la sécurité. Détourner un avion en menaçant les pilotes, ça s’est déjà fait, ce fut même courant dans les années 70, et malgré les mesures de sécurité adoptées, cela se produit encore couramment. Sans pilote à menacer, et même, sans moyen d’infléchir la trajectoire, la prise de contrôle de l’appareil devient plus difficile. Il faut comprendre la logique de pilotage du drone, ce qui n’est pas à la portée du premier pirate venu.
Deuxième piste, prévenir l’erreur de pilotage. Là, j’imagine les bordées d’insultes de la part de pilotes expérimentées. Et je reconnais certainement que des catastrophes ont pu être évitées grâce à la vigilance et au professionnalisme de pilotes expérimentés (comme le Boeing posé sur l’Hudson, et bien d’autres situations encore). Je les accepte toutes, mais on a vu également par le passé certaines catastrophes dues à des erreurs accumulées, ou pire (comme à Charm El Cheikh) à des actions délibérées du pilote.
Mais si un constructeur aéronautique – un challenger, probablement, pas un des deux gros – est assez fou pour proposer un premier modèle d’avion de transport sans pilote, et si la FAA daigne un jour se pencher sur le sujet, n’y a-t-il pas matière à ce qu’il prenne de l’importance?
Se posera alors la question de la technologie adoptée. En parlant de drone, je fais implicitement un choix pas si légitime: un drone se pilote à distance. Un avion de transport civil sans pilote disposerait plus probablement de moyens de pilotage autonomes (on en revient à la question du détournement). Doublés, triplés, redondants, télé-surveillés, certes, mais capable de décoller ou d’atterrir seuls et de suivre un couloir aérien.
Sans compter un avantage commercial indéniable: les places de devant, ainsi libérées, offriraient un spectacle grandiose aux voyageurs qui en bénéficieraient (comme à bord des bus londoniens…).
Le seul frein qui restera sera le frein psychologique. Nous avons déjà, pour certains, beaucoup de mal à confier nos vies à des pilotes que nous ne connaissons pas, aurons-nous suffisamment confiance dans la technologie pour la confier à des ingénieurs qui ont conçu les systèmes de pilotage? Les spationautes savent accorder cette confiance, le commun des mortels y parviendra-t-il?
Finalement, ma question a l’air stupide en 2014. Je suis certain qu’elle le sera beaucoup moins dans un quart de siècle. On prend les paris?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Je ne pense pas que les barrières psychologiques seront si grandes, moi en tout cas je suis prête. Et puis, comme vous dites, à la base les drones sont pilotés par des humains depuis le sol, d’ici à ce qu’ils soient autonomes pour du transport humain, on a le temps de se préparer. J’avoue attendre avec une plus grande impatience la voiture qui ne se conduit plus : moins d’accidents, pas d’excès de vitesse ou de problèmes d’alcoolémie ou d’endormissement, et la possibilité de faire autre chose pendant les longs trajets. Comment se fait-il que ça n’existe pas encore ? 🙂
Je fais une réponse de normand malgré ma « celtitude bretonne affirmée ».
Je me souviens d’un de nos camarades qui, conseiller technique du ministre des transports (Fiterman) et membre du CA de la SNCF me disait, lorsque les TGV ont commencé, que l’option « sans conducteur » était envisageable techniquement sauf que les syndicats grogneraient.
Un avion civil sans pilote ne ferait pas forcément gagner énormément car il faudrait au sol plus qu’un pilote de drone et le contrôle aérien deviendrait encore plus fondamental. Pour éviter la piraterie il faudrait un poste de pilotage blindé.
En revanche, les portes conteneurs sans équipages sauf héliportés pour les manœuvres de port serait envisageable et j’ai fait paraître un article là-dessus dans un des deux numéros de la J&R coordonnés par le groupe X-Mer (été 2009 ??) et son auteur vient de me faire parvenir un papier en anglais sur la question que je transmettrai à Hervé après lecture.
Outre les économies (relatives car il faudrait une salle de quart à terre avec des officiers de marine marchande pour surveiller plusieurs navires) elles sont à voir.
Mais la défense contre le piratage serait plus simple et les automates ne boivent pas d’alcool !
Kenavo !
En fait, dans mon idée originale d’article, je voulais aussi parler de drones pour le transport maritime. Mais si en plus tu l’as déjà prévu, c’est qu’on y arrivera un jour. Après Captain Philips, on comprend encore mieux l’intérêt du concept…