La promotion X64 fête ses cinquante ans
Par Cagoul’X, X1964
A l’occasion du cinquantenaire de leur promo, quelques antiques lambdas – oui, ils sont probablement missaires, mais je ne l’ai pas dit – ont eu l’idée de raconter leurs années à la boîte Carva. Ce n’est pas très original, pas mal de promos l’ont fait sous forme de site web. Ce qui est plus intéressant c’est qu’ils en ont fait un livre. Livre que je considère comme ce qu’on fait de plus intéressant sur les tradis de l’âge d’or de l’X sur la montagne (1945-68).
Par ailleurs, la 64 est LA promo du Mythe. Avoir jeté un bazoff – en tenue, s’il vous plaît – dans la piscine, tout en réussissant à ne pas se faire virer, restera probablement comme l’une des réalisations tradis les plus emblématiques du XXème siècle. Les ingrédients d’une telle réussite ? Une khômiss déterminée travaillant en bonne intelligence avec une Kès maligne et efficace, un Général aimant l’Ecole et les élèves, et une promo soudée.
L’ouvrage, Souvenirs Inavouables – que j’ai par ailleurs l’honneur de préfacer – est distribué par les éditions Carva 64, et peut être commandé par mail à jean-claude.minneAROBASEpolytechniquePOINTorg. Les auteurs, signant sous le nom collectif de Cagoul’X, me font l’amitié de m’autoriser à reproduire ici quelques extraits de cet exploit. Je les en remercie.
Étape un : Plouf !
Le Géné K se souvient :
« Nous sommes mi-juin. […] C’est le moment que notre adjudant de compagnie choisit pour faire du zèle. Il balance des pains injustifiés à droite et à gauche et ça énerve, ça énerve beaucoup, à un moment comme on l’a dit où la promo est passablement tendue. Des rumeurs montent réclamant que ça s’arrête. Les pains continuent et ce ne sont plus des rumeurs qui remontent aux oreilles de la Khomiss mais des exigences de faire arrêter ça.
« J’étais hésitant, La tradi a bien prévu des sanctions, on sait ce qu’il faut faire mais, même si on sait ce qu’on doit faire —bénarde pour un officier, piscine pour un bazoff et, tenez-vous bien, pantalon de Grand U sur le pavé des Champs Élysées à l’issue du défilé du 14 juillet pour le Général— c’est quand même une décision assez lourde. Pour la plupart des sous-officiers l’affectation à Polytechnique en fin de carrière est une récompense. Pour les officiers aussi d’ailleurs.
« En fait Ange m’a bien aidé, et scellé son sort en même temps, en me balançant quelques JAS – jours d’arrêts simples. A l’époque on opposait les JAS aux Jours d’arrêts de rigeur, supprimés par Charles Hernu, MinDef. Seuls les JAR menaient au micral. note de Dlw – pour une ridicule histoire de revers de poche mal boutonné. Juste quelques JAS de trop à la mauvaise personne, « détenteur de l’autorité suprême d’enclencher un bran. » […]
X-Minne raconte :
« Conseil de K-discipline » : l’adjudant-chef Ange était coupable donc mouillable. Repérages avant exécution, entrainement, balisage du chemin de la piscine, récupération des clés auprès du pitaine-clé pour que tous les passages soient libres.
« Un matin à l’heure de l’appel l’adjudant chef, corse d’origine, se pointe au casert. Je m’étais entraîné sur Jean D., notre crotale, qui avait sa taille. J’avais modifié ma cagoule en y perçant des trous pour enfiler une ficelle que je serrais autour de mon cou pour qu’il ne puisse pas me l’arracher et me reconnaitre.
« Comme je faisais du judo, après lui avoir enfilé un sac à linge kaki sur la tête j’ai pratiqué un ushi-gari et il s’est retrouvé par terre.
« L’Ange se débat comme un diable et me mord au sang. Heureusement que la « police scientifique » ne m’a pas ausculté car elle aurait retrouvé l’empreinte de ses dents. Eus-je été crédible en prétendant que « c’était mon chamô l’auteur de la morsure et que si un éléphant trompe énormément, un chamô peut mordre énormément ? »
« On l’immobilise, lui ligote les mains dans le dos et direction le lieu du sacrifice dans le plus grand silence, croit-on. On découvrira que l’accent toulousain de l’un d’entre-nous l’avait fait identifier.
« Puis, c’est le « saut de l’Ange ».
« L’Ange Corse n’a pas aimé. En tous cas, ça a du vraiment le rendre furieux. Le vilain s‘est plaint. L’affaire est montée jusqu’au ministère. Il a prétendu, à tort, que sa légion d’honneur l’avait suivi dans l’eau : outrage majeur à la nation, punitions imposées. […]
Étape deux :« Kès qu’on fait, mon Général ? »
René [de Gaillande, Kessier] raconte comment il a appris le « succès damné » :
[…] « J’étais à côté de lui lorsque Pierre est venu m’annoncer que tout s’était bien passé et que l’ange était bien mouillé. Bon, je me suis réjoui. Le général m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai dit « rien mon général, rien d’important en tous cas. »
Et puis Pierre est revenu m’informer que notre camarade, notre pote, avait été effectivement reconnu et que l’ange était en train de porter plainte.
« À ce moment là… j’ai eu un vrai problème et je suis sorti du concert pour aller, avec quelques missaires, tenter de faire complices de notre action les gens qui vivaient aussi de la tradition de l’École, c’est-à-dire les autres adjudants. Il y avait un président des adjudants, Joubert, avec qui, en tant que caissier des élèves, j’avais des relations privilégiées. Il a tout fait pour convaincre l’ange de fermer sa gueule parce que ça allait être très mauvais pour lui. Ça a été très critique mais, à un moment donné, on était certains que du côté des adjudants ça s’arrangeait.
« Je suis revenu au concert. Je me suis assis aux côtés du général qui m’a dit « qu’est-ce que vous faites ? » Je lui ai dit « rien mon général, tout va bien » et il a du penser que j’avais des incontinences.
« Mais ça s’est mal terminé car les adjudants n’ont pas réussi à remettre l’ange sur le droit chemin. À la sortie du concert j’ai raccompagné le général dans ses appartements au Boncourt. Il m’a dit « mais qu’est-ce qui vous est arrivé ce soir ? ». « Mon général, on a renoué avec la tradition. » « Ah ! Ah ! » « Oui, on a mit un juteux à la piscine. » « Ah, génial, ça faisait au moins quinze ans qu’on n’avait pas fait ça. » « Oui mon général, mais il y a un hic. Il y a un hic, c’est que… un type a été identifié. » « Ah, les cons ! ». C’était effectivement le mot du général, dans un réflexe « Ah, les cons ! ». Il m’a dit « mais qu’est ce que je vais faire ? ». Je lui répondu « mais c’est vous qui décidez mon général. » Il me dit « je le vire. » « Vous le virez ? Pas possible. »
« Et à ce moment là l’idée m’est venue de lui dire « mais si demain nous sommes huit à vous dire que nous avons mis le juteux à la piscine, est-ce que vous virez les huit ? » « Ah, mettez-moi les dans mon bureau demain à huit heures du matin. »
Étape trois : « qui veut être coupable ? »
René poursuit :
« C’était absolument clair et, après avoir réfléchi à ce qu’on allait dire le lendemain matin, Gérard et moi avons réuni un amphi très tôt pour « désigner » des volontaires. Il en fallait huit et surtout pas des types trop mal classés dans le groupe.
« Il y a eu des volontaires, cinq ou six qui avaient participé à l’opération et deux ou trois qui étaient volontaires et qui n’avaient absolument pas participé, ce qui est déjà un signe de solidarité polytechnicienne bien comprise. »
Babar, Géné K se souvient :
[…] « Un amphi mémorable où on voit ceux qui en ont… du courage : des missaires dont certains n’ont pas été retenus parce que trop proches de la queue de la courbe de Chéram (Apocope de Chéradame, Directeur des Etudes, dont la courbe diabolique permettait d’identifier les cancres – Note de Dlw) et d’autres, absolument époustouflants, parce qu’à des années-lumière de la moindre incartade mais profondément solidaires et souhaitant le montrer intensément. Solidarité, amour de l’École, de sa promo et de son comportement.
« Nous avons abouti au mix parfait : six missaires (la moitié de la Khômiss, c’était bien normal) et deux exogènes (qui apportaient une protection supplémentaire contre le risque d’exclusion)
« La mili qui avait des oreilles était parfaitement au courant de ce qui se passait et le Général n’a pas été surpris de nous voir arriver à huit en Grand U à 11 heures dans son bureau au Boncourt. En fait, je pense que secrètement il était soulagé de ne pas avoir à virer un élève pour une simple application d’une tradition, certes peu usitée, mais dont, dans son for intérieur, il comprenait le bien fondé. Petit laïus et la sanction tombe : 45 jours d’arrêts de forteresse, et pas de levée de crans à espérer pour le 14 juillet (comme c’était la tradition) […]
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